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BluePod : allumez les radiateurs et dormez tranquille

vendredi 29 octobre 2010, par Puissance Plume

Cet article est conçu pour pouvoir être lu à la fois par des spécialistes et des non spécialistes. D’emblée ici, je voudrais dire : si vous vous intéressez à BluePod, laissez tomber il y a mieux à faire : ISOLEZ ! Dans le détail, nous allons voir en quoi consiste la technologie robotisée de Voltalis et quelles sont les critiques que nous en faisons.

sommaire

L’ajustement diffus en période de pointe

Au moment des "pointes" de demandes en électricité, le gestionnaire du réseau électrique doit de temps en temps acheter de l’électricité supplémentaire par rapport à ce qui a été commandé la veille aux différents fournisseurs. Cette électricité que tout le monde veut au même moment se paie très cher sur le marché, parfois plus de 180 euros le MWh. C’est particulièrement le cas en France à cause du développement massif du chauffage électrique : il fait froid partout au même moment.

Depuis 2007, la société Voltalis [1] commercialise des économies de puissance d’électricité auprès de RTE, à la place des achats traditionnels en électricité d’origine hydraulique, ou issue des centrales thermiques à flamme aux combustibles fossiles. Ils ont un succès certain parce que ces économies de puissance sont moins chères que la production d’électricité en pointe.

Comment Voltalis arrive à vendre des économies d’énergie ? Ils installent gratuitement chez vous un boîtier électronique nommé BluePod qui va leur permettre de commander vos radiateurs depuis leur central robotisé. Ils vont éteindre ces radiateurs 10 minutes ici, 15 minutes là, de manière à ce que vous ne ressentiez rien de spécial. Ensuite, ils iront vendre ces économies de puissance à RTE.

En termes techniques, RTE appelle cela "ajustement diffus".


Avantages

Ca fait économiser un peu de combustibles fossiles et d’électricité d’origine hydraulique.


Inconvénients

Cette petite innovation technique transfère la commande du radiateur à
un robot qui centralise toutes les données :
- ca enlève de la responsabilité au citoyen,
- ca lui enlève de la conscience de polluer, au contraire, il se dit que son
chauffage électrique est bien puisqu’optimisé,
- ca participe à l’endormissement de la population "dormez tranquille, on
s’occupe de tout, nous les polytechniciens".

Pire : dans l’inconscient collectif manipulé par la propagande, cette technologie tend à rendre le modèle électrique français "plus propre" car soit-disant qu’il ferait éviter des kilos de CO2 parce qu’en période de pointe, on utilise surtout des centrales thermiques à flamme. Or, si effectivement cet appareil fait économiser des combustibles fossiles, il ne rend pas plus propre le nucléaire !!! Il ne rend pas non plus efficace le modèle français du chauffage électrique, en comparaison aux scénarios alternatifs d’arrêt du chauffage électrique et d’utilisation de la chaleur renouvelable.

Par ailleurs, le CO2 n’est pas forcément un polluant de premier ordre, voir mon article "Moi, écologiste, scientifique, climato-sceptique et anti-nucléaire".

Autre chose : le chauffage électrique est synonyme d’inconfort dans l’immense majorité des logements au tout électrique. Quand Pierre Bivas évoque une absence de "ressenti" de la perte de chaleur suite à l’arrêt des radiateurs, on peut railler facilement que dans une situation d’inconfort, on a du mal à se plaindre d’une petite baisse supplémentaire.

Autre chose : le chauffage électrique est le système de chauffage LE PLUS CHER en France, source Ministère de l’Industrie (voir la référence que j’ai donnée sur Wikipedia). Economiser 10% de l’électricité de chauffage, c’est encore et toujours se chauffer avec le combustible le plus cher : il faut savoir que l’électricité est au moins trois fois plus chère que le bois, souvent à confort moindre.

Le discours du Directeur Général Pierre Bivas est clair : "isoler, cela coûte cher. Installer le BluePod, c’est gratuit". Comme d’habitude, le polytechnicien fait l’impasse sur le fait que ce n’est pas l’isolation qui coûte cher mais bien que les autres solutions comme la dépense d’électricité nucléaire provenant d’un réseau de puissance infinie et artificiellement subventionnée qui ne sont pas assez chères, pas assez taxées ! La loi instituant le principe du pollueur-payeur pour les déchets nucléaires a été instaurée en... 2006. Tous les investissements auparavant ont été financés par les impôts. Elle peut être moins chère cette électricité, même archi subventionnée, elle est quand même le combustible le plus cher pour se chauffer ! Distordre la réalité de la physique est compliqué quand même.

Enfin, Pierre Bivas annonce que ces mesures d’économies de puissances s’appliquent aussi aux climatisations et aux moteurs de piscine parce que ces appareils peuvent bien s’arrêter 10 minutes sans qu’une sensation d’inconfort apparaisse aux utilisateurs. Bref, tous les accessoires de destruction de la planète par l’exploitation abusive des mines dans les pays du sud sont invités à s’arrêter de temps en temps pour devenir plus acceptables. Tous les signes de richesse écoeurante, au motif fallacieux qu’avant on a connu la guerre et qu’il faut en profiter tant qu’on est là, vont continuer à être valorisés : on aura une jsutification morale à détruire la planète un peu plus. et surtout, ne pas prendre les mesures radicales qui s’imposent maintenant.


A propos du procès avec EDF

Avoir un procès avec EDF, parce que le géant voulait que Voltalis lui reverse de l’argent des capacités de production non utilisées, valorise l’entreprise Voltalis auprès des écologistes les plus extremistes. C’est une entreprise capitaliste à croissance exponentielle qui fait probablement fabriquer ses 30 000 boîtiers par mois en Chine qui pourrait bien plaire et faire plaisir à la galaxie d’écologistes à deux sous qui se contentent de frugalité sous l’éclairage caméra et se repaissent grassement à l’ombre des images.


Conclusions

Décidément, je ne fais pas bon ménage avec les innovations technologiques : mais pourquoi donc je n’arrive pas à me calmer et à me délasser dans mon fauteuil, bercé par les discours intelligents des nouveaux polytechniciens dominateurs ?

Décidément, le constat "ne pas chercher de solutions technologiques à des problèmes sociaux" est tout à fait d’actualité. Réfléchissons plutôt que se lancer dans ces mesurettes qui ne changent rien à la logique du système à sa folie destructrice.


25 octobre 2010 : Emission de radio

"Mach’bio la bonne vitesse pour l’écologie" sur FMR avec Pierre Bivas comme invité. Merci à Dominique Burdin pour cette émission.

Partie 1 :

Partie 2 :

Partie3 :

Partie 4 :


Références

- 15 octobre 2010 - Enerzine - Voltalis accuse EDF de vouloir l’asphyxier

- 18 juillet 2010 - Sarko-verdose - Quand EDF combat les économies d’énergie (message 3544)

- 2 décembre 2009 La Dépêche du Midi - BluePod, la petite boîte qui allège la facture d’électricité

Notes

[1Voltalis, 10 Rue Lincoln 75008 PARIS, SA avec conseil d’administration, immatriculée le 6 dec 2006, au capital de 114.834,50 euros, DG Pierre Bivas (06.10.1965), DG délégué Mathieu BINEAU (11.05.1972), DG délégué Bruno DONVILLE (26.03.1963), Administrateur Hugues LEFEBVRE DE SAINT-GERMAIN (18.03.1965) www.voltalis.com

7 Messages

  • point obsur Le 2 novembre 2010 à 17:27, par Jef

    Jen’ai pas compris cette phrase :
    "[...]en Chine qui pourrait bien plaire et faire plaisir à la galaxie d’écologistes à deux sous qui se contentent de frugalité sous l’éclairage caméra et se repaissent grassement à l’ombre des images."

    • point obsur Le 3 novembre 2010 à 02:20, par Frédéric Boutet

      Je vise ici - c’est facile - tous les gens qui vont relayer la publicité du BluePod dans une ambiance merveilleusement bisounours d’économies d’énergies. Non seulement cette innovation technique ne change rien à rien dans le fond, dans la croissance puisqu’elle est elle-même une source de croissance, mais elle va freiner l’avènement de solutions radicales, radicales dans le sens "vraiment" et non pas dans le sens "violent".

      La seule solution est d’arrêter les réacteurs nucléaires, disons que c’est un pilier. Alors que Pierre Bivas fait tout dans l’interview pour ne pas taper sur EDF, sur le nucléaire. Bref, nous sommes vraiment opposés, à ce que je comprend. Toute son activité aura pour effet d’arrondir les angles avec la production française d’électricité, d’en améliorer l’efficacité donc l’image. Je suis pour montrer la réalité de l’industrie nucléaire pour qu’on cesse de la porter aux nues et qu’on change de société.

    • point obsur Le 18 janvier 2011 à 18:25, par Un écolo scientifique, pas religieux

      Et pis quand tout le monde se chauffera au bois on produira plein de co² en plus. Et pis quand on aura fermer toute les centrales nucléaires on aura toujours des déchets radioactifs a gérer pendant quelque million d’année. Et pis le réchauffement climatique est le meilleur moyen de réduire sa consommation de chauffage. Et pis la terre peut supporter 9 milliard d’habitants s’ils accepte de vivre comme des Somalien. Et pis si vous disiez moins de conneries on pourrait peut être retarder la fin de l’humanité ! La nature, elle, s’en sortira toujours...avec le temps.

      • point obsur Le 19 janvier 2011 à 18:16, par Frédéric Boutet

        Merci pour ce commentaire bien construit et bien argumenté ! Peut-on mieux faire comme argumentation ? J’en doute fort.

      • point obsur Le 20 janvier 2011 à 08:50

        La formulation de ce texte m’interroge pour quelqu’un qui signe « un écolo scientifique, pas religieux » et pour ma part le discrédite.

        L’intolérance, souvent liée aux principe religieux, ne se trouve peut être pas là ou nous le pensons.
        A méditer !

        • point obsur Le 20 janvier 2011 à 14:29, par Frédéric Boutet

          La lettre anonyme est un divertissement pour moi.

          Euh… La croyance dans les trois mythes du nucléaire (neutralisation des déchets, surgénération, fusion), n’est-elle pas de type "religieuse" ? Ben si ! C’est un dogme ! Le "progrès" - ce progrès-là - est à l’opposé du progrès social : toujours plus de sous-traitance, de souffrance au travail, malgré la diminution des doses officielles prises par les travailleurs, toujours plus de vigiles, de militaires, de policiers, de procédures privatives de libertés et bientôt peut-être le mal absolu, la catastrophe majeure nucléaire.

          Le BluePod ne fait qu’accompagner cette évolution, il la favorise, il l’encourage en cherchant à la rendre plus acceptable mais il n’en change en rien le fond ni la forme.

  • C’est un peu facile de taper sur les polytechniciens comme "dominateurs". Ils en ont vu d’autres. Utilisez des arguments techniques pour être à leur hauteur, et non haineux s’il vous plaît.

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