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Pourquoi je ne serai pas à la "chaîne humaine" le 11 mars 2012

jeudi 8 mars 2012, par Puissance Plume

Une manifestation antinucléaire de grande ampleur se prépare le 11 mars 2012 : elle s’appelle la "chaîne humaine". On ne peut a priori que s’en réjouir quand on est radicalement anti-nucléaire, comme moi. Mais je n’irai pas. Parce que ce sont les mêmes personnes et le même esprit qui organisent depuis longtemps l’échec des mouvements anti-nucléaires.

Parce que ce serait accepter le hobby écologie à logique financière, dont la gouvernance est calquée sur nos institutions en déperdition. Parce que la chaîne humaine va permettre aux mass-medias de faire croire à une expression démocratique. Parce qu’une n-ième manifestation anti-nucléaire sur ce mode-là ne mènera à rien, comme d’habitude, mais pire encore : elle enrôlera de nouvelles personnes dans le MENSONGE.

sommaire


Un bref historique

Le 16 avril 2006 à Cherbourg (Manche), nous étions 25000 à manifester contre le nouveau réacteur nucléaire EPR. "Grand succès" a-t-on dit chez les antinucléaires parce qu’on avait pas vu tel rassemblement depuis longtemps ! L’année suivante, le 17 mars 2007, 60000 personnes dans quatre villes en France contre l’EPR : "grand succès" ont annoncé les organisateurs.

Et puis l’EPR se construit.

Si vous voulez un résumé plus étoffé, je l’ai écrit dans mon article Le hobby "écologie" ou la logique d’accompagnement.

Ceux qui organisent la chaîne humaine sont les mêmes qu’en 2006 et 2007. Ils se vantent même d’être antinucléaires depuis longtemps. Les nouveaux sont dans le même état d’esprit ou alors n’ont strictement rien pu faire pour empêcher la dérive, vu de l’extérieur.


La logique du nombre faisant semblant démocratique

Nous vivons dans un système politique qui est l’exact opposé de la démocratie. La démocratie était fondée sur le tirage au sort des magistrats qui écrivaient les lois et le peuple les votait [1]. Le gouvernement "représentatif" [2] en place aujourd’hui est fondé sur l’élection de candidats pré-sélectionnés qui ne doivent leur élection qu’aux puissances de l’argent par le coût des campagnes auprès des mass-médias.

Les organisateurs de la manif "chaîne humaine" tablent sur le nombre, comme en 2006 et 2007. Ils disent aux gens : "plus nous serons nombreux, plus notre message sera écouté". Ceci constitue aujoud’hui DEUX mensonges puissants,
- le premier parce que nombreux ou pas nombreux, la décision de nucléariser la France n’appartient ni au peuple ni à leurs soit-disant représentants, par le mécanisme des opinions croisées à l’Assemblée (voir plus loin),
- le deuxième parce que le message n’existe pas : il n’y a pas de mot d’ordre précis à la manifestation.

Le rôle des mass-médias dans ce système est central. Le coeur du mensonge de démocratie est joué par les médias qui titrent : "les antinucléaires se réveillent ; ils se sont exprimés". C’est ce mensonge que les organisateurs perpétuent en faisant affluer du monde pour manifester.

Le système des opinions croisées
Les riches et puissants maîtres de la France organisent le système avec des prises de positions croisées dans les partis politiques. Ainsi vous trouverez des anti-nucléaires et des pro-nucléaires dans tous les partis à l’Assemblée. Aucun parti majoritaire PS ou UMPS ne pourrait obtenir assez d’argent pour financer sa campagne électorale si sa majorité des élus étaient antinucléaires. Ainsi, l’électeur n’a jamais le choix.

Manifester dans la rue pour expliquer que le nucléaire est dangereux pour le peuple est totalement inutile puisque les décideurs ne prennent des décisions que pour leur intérêts propres, donc pour les intérêts de ceux qui financent leurs campagnes électorales. Tant que le nucléaire est une source de profit égoïste pour eux, il ne se passe rien.

Il n’y a pas de mot d’ordre à la chaîne humaine
Le mot d’ordre pourrait être : arrêt immédiat du nucléaire, pour concrétiser une action face à l’inévitable catastrophe majeure nucléaire. Mais non, vous allez manifester contre le nucléaire en général. C’est le fameux discours creux des hommes politiciens en campagne : vous le remplissez avec vos propres idées. De cette manière :
- le plus grand nombre de gens sont contents du discours, ils ont l’impression d’avoir été compris,
- celui qui prononce le discours creux n’est tenu à aucun engagement puisque plusieurs interprétations contradictoires sont possibles à partir de ce qu’il a dit.

Exemple : "sortir du nucléaire" est un discours creux. Parce que
- l’association "negawatt" l’interprète comme elle le veut dans son scénario : poursuite du nucléaire pendant vingt ans.
- l’association "VSDNG" ou "Stop Golfech" l’interprète comme une sortie en "cinq ans ou dix ans".
- le parti NPA l’interprète comme le suggère leur programme : une sortie en 10 ans.

Les gens comme moi qui sont sensibles à l’inévitable catastrophe nucléaire qui arrive ne peuvent pas se contenter de ces discours flous et mous et creux. Pour nous, c’est "arrêt immédiat", même si derrière il n’est pas question de plonger dans le noir la société française. A ce sujet, voir le qui sommes-nous ? de la coordination Stop Nucléaire.


Analyse de la manifestation - prédictions

Le MENSONGE DE DEMOCRATIE est véhiculé par les organisateurs de la manifestation antinucléaire par la structure même des choses. La forme ne peut se dissocier du fond. Lorsque vous répondez à l’appel à manifester d’une organisation pyramidale hiérarchique non démocratique, vous n’obtiendrez JAMAIS autre chose que ce modèle comme résultat. C’est ce qui se passe avec les organisateurs de la chaîne humaine.

Vous allez à la manifestation, vous validez les faits suivants.
- Vous donnez de l’argent à un couple CA/Salariés pour qu’ils organisent des événements antinucléaires.
- Le couple CA/Salariés décident seuls de tout. Pour donner l’illusion de la démocratie, ils consultent. Mais au final, ils sont le centre de contrôle de l’information et donc des décisions. Vous n’êtes rien qu’un donateur et un manifestant.
- Ces événements sont sans mot d’ordre précis. Le discours creux permet de rassembler des gens, parce qu’il permet à chacun de croire que son opinion est "représentée".
- Tout le monde s’attend à ce que les mass-médias parlent de l’événement. Et les mass-médias suivent : "les antinucléaires se sont exprimés, ils étaient nombreux, c’est grâce à Fukushima, les réponses institutionnelles ne manquent pas, le Maire de Beaumont Hague est allé à Fukushima, il est à Paris invité par la SFEN le vendredi 9 mars dans le cadre d’un plan de plus de sécurité", et caetera.
- Les déclarations des professionnels de la politique politicienne se succèdent, toutes plus contradictoires les uns que les autres, rappelant le système des "opinions croisées" entre partis.
- Vous rentrez chez vous, content d’avoir rencontré du monde. Vous recevrez dès le lendemain les emails de félicitation des organisateurs qui vous expliqueront bientôt qu’ils ont besoin d’argent pour continuer, que vous êtes formidables quand vous donnez pour eux.

Avec tout l’argent qu’ils vont récupérer, les organisateurs se félicitent d’avance de la réussite de la chaîne humaine, alors qu’en coulisse, ils font tout pour faire gagner la gauche pronucléaire en continuant le mensonge de démocratie. Parce que les véritables commanditaires de la chaîne humaine, c’est eux : c’est la gauche pronucléaire, pro-croissance, pro-renouvelables, celle qui compte bien faire du pognon avec des idées vieilles et des nouvelles technologies. Toujours droit dans le mur de la catastrophe nucléaire majeure.

C’est d’ailleurs la gauche pronucléaire qui va gagner les élections et qui hésite encore à fermer la centrale de Fessenheim parce que si on l’arrêtait pour des raisons de problèmes de santé publique, cela mettrait tout le nucléaire par terre !

Entendez-moi bien : la "gauche pro-nucléaire", cela n’existe que dans notre système politique. Dans la démocratie d’Athènes, la gauche et la droite n’existaient pas. Regardez l’histoire de Mouseland par Tommy Douglas en 1944 au Canada - cette vidéo dure 5 minutes :


Le message pro-nucléaire des organisateurs

Regardez-donc cette vidéo à de 4’51 à 5’24 : l’organisateur de la chenumen "antinucléaire" (amen) dit ce qu’il pense de la sortie du nucléaire. Anti-nucléaires, accrochez-vous à votre chaise, votre machoire pourrait tomber par terre !

Retranscription de l’interview hallucinante de ce chenumen convaincu (ou anti-nucléaire vaincu) :


- Journaliste sympathique : Hubert, est-ce que tu penses qu’il est possible qu’il n’y ait pas de centrales nucléaires ?
- Hubert : c’est une question très très difficile à répondre… Mais nous espérons bien sûr sortir du nucléaire ; parce que Fukushima nous a bien montré les conséquences du nucléaire lorsqu’il y a un accident ou même parfois des incidents. Et nous, ce que nous nous proposons, ce n’est pas de sortir immédiatement, on est conscient de çà, mais nous tenons à faire prendre conscience à nos contemporains qu’il y a un réel danger et que notre espoir c’est de sortir du nucléaire… d’ici quelques décennies, si on peut être optimiste.

Est-il besoin de préciser que si l’establishment nucléopathe avait voulu avoir un gars de chez eux dans le mouvement anti-nucléaire, ils auraient choisi celui-là pour dire n’importe quoi à la télé qui fasse croire qu’on est avec lui !

Détail pour cet illuminé : c’est Tchernobyl qui a montré les conséquences d’une catastrophe nucléaire, pas Fukushima !


Mais alors quoi faire ?

Si cet article a généré cette question, alors c’est déjà un bon début.

Contrairement à ce que tout le monde mass-médiatique raconte, c’est en soi que se trouve l’énergie du contre-pied et non pas dans le rassemblement dans une structure de pouvoir avec les autres qui pensent comme soi.

Dès qu’une organisation chercher à grossir, elle se heurte aux problèmes de gouvernance et reproduit les mêmes erreurs qui sont notre système constitutionnel actuel.

Il faut connaître les autres initiatives sans professionnels qui vous les servent sur un plateau. Il faut aller les chercher. Il est extrêmement important de faire l’effort de connaître les autres, en dehors des structures de pouvoir, des appareils, des "orgas".

Par exemple : cette manifestation "Solidarité Fukushima Paris" est "nologo". Pas de banderoles organiques, pas de drapeaux avec des soleils, des tournesols, pas d’éoliennes sur les chapeaux, pas de tee-shirt politiciens.

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L’énergie de 60000 manifestants est totalement anihilée par la représentation, par le don d’argent.


Le mot de la fin à Victor Tchernomyrdine

Nous avons essayé de faire mieux,
et ça a donné comme toujours.

Notes

[2

dans notre système constitutionnel, les gouvernements ne sont pas représentatifs de la population, mais souvent que de 51% ... 52% de l’électorat pour le président... (48 % de l’électorat n’est pas représenté !) Et une représentativité de 33% à 36% pour le parlement... (64% de l’électorat n’est pas représenté, il n’y a qu’à faire les
additions). De sorte que les décisions (même votées à l’unanimité) du
parlement sont toutes sans *aucune *valeur démocratique : DEMOS KRATOS : l’autorité de la population, et non pas l’autorité, des représentants, de 36% de l’électorat !

Michel Dindorf

4 Messages

  • Ne reste plus que la violence ? Ou des "coups" comme "l’invasion" du Bugey par des militants de Green Peace ? Ou.......

    Parce que ne rien faire, ce n’est pas mieux. Déjà sur les sites, les blogs, on explique, on alerte, on dénonce. Que faire de plus ?

    Déjà j’ai été parmi les tout premiers à promettre d’écrire tous les mois pendant trois ans au moins à Asako House pour essayer de bloquer la mise en service d’une centrale au Japon.
    http://www.asakohouse.com/FR/agenda.php

    Et quand le site où j’étais partie prenante jusqu’à l’an dernier, Dazibaoueb, avait son ancienne orientation, j’avais ouvert un fil spécial de nouvelles, souvent traduites chaque fin de nuit à partir de dépêches de la NHK en anglais.

    Oui, bon sang que faire de plus, tant que nous aurons des "élus" pro-finance et pro-nucléaire ? C’est pourquoi ce débat se déplace désormais sur le plan politique, au moins actuellement, pour essayer de mettre en place une vraie alternative crédible. Il n’y en a qu’une qui ait ses chances, c’est le Front de Gauche, malgré la réticence atavique du PCF. Si petite que soit cette chance, il est du devoir de tous, oui de tous, de la saisir.

    Allez, la discussion est ouverte.

    Et malgré tout, demain je serai à une manif à Nantes, avec ma propre pancarte.
    http://i40.servimg.com/u/f40/11/40/28/12/affich10.jpg

  • Personnellement, en dehors de broutilles comme envoyer un sac de riz ou écrire des cartes postales à Asako House (ce que j’ai fait via Amazon pour le riz et je suis engagé aussi pour Asako House pour une année), je n’arrive pas à m’inclure dans un mouvement associatif ou tout ce qui implique un chef, des idées communes à partager obligatoirement sur tous les points. Je ne suis pas assez au courant des subtilités entre toutes les associations et sitôt qu’on y met les pieds on entend des critiques de part et d’autre, tout le monde critique tout le monde, alors qui croire et qui rejoindre ? C’est très décevant et c’est pour cela que les mouvements anti-nucléaires, écolo, ou alter-mondialistes ne sont pas plus présents dans les élections présidentielles, par exemple.

    De plus je n’arrive pas non plus à me sentir motivé pour une "célébration" des un an de Fukushima. A quoi ça sert ? A rappeler aux gens que le nucléaire c’est pas bien ? Si on veut marquer les esprits, je pense qu’il faut utiliser des moyens modernes, et arrêter les manifs avec des pancartes ou les bons sentiments avec des pin’s sur le revers de la veste. La violence n’est pas une solution non plus, et l’illégalité non plus : il faut prendre les médias et les autorités à leur propre piège.

    J’imagine bien un immense canular basé sur de fausses vidéos YouTube, de faux tweets, de faux témoignages sur le net, mettant en scène l’explosion d’une centrale en France. La plupart des médias s’empresseraient de tout gober, et le buzz généré par ça pourrait déclencher quelque chose. Pas besoin de gros moyens hormis quelques trucages pour la partie vidéo, et plein de gens pourraient participer, le public flipperait un bon coup et ça remettrait peut-être la vraie problématique au coeur du système : il faut tout arrêter et tout de suite.

    Le groupe punk Crass avait fait quelque chose de similaire dans les années 80 en bricolant une fausse cassette audio de faux échanges téléphoniques entre Thatcher et Reagan (http://en.wikipedia.org/wiki/Thatchergate), cela avait bien foutu le bordel, et plus loin encore personne n’a oublié la guerre des mondes d’Orson Welles, le canular radio qui avait déclenché des mouvements de panique malgré qu’il ait clairement annoncé comme canular (http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Guerre_des_mondes_(radio,_1938).

  • je ne serai pas non plus à la chaine du 11 mars.

    en plus des raisons de Frédéric, j’ajouterai les miennes :

    - je suis scandalisé par l’absence de solidarité, de compassion, de RSN avec les japonais (alors que sur les réseaux anglophones j’ai pu voir plein d’initiatives. dès le 12 mars "pray for them" (priez pour eux). pourquoi choisir la date du 11 mars, et si peu mentionner fukushima que certains participants, lorsque je les interroge, ne savent même pas pourquoi cette date a été choisie ?

    - je me demande si on peut se donner bonne conscience en ayant plein d’appareils électriques, et en participant à la chaine.

    - j’ai demandé à chainehumaine de me dire d’où provenait l’argent qui sert à financer cette campagne. des dons, m’a-t-il été répondu. quand j’ai demandé plus de précisions, je n’ai eu aucune réponse (faites l’essai).

    mon blog : http://blogdunon.blog.fr/2012/03/08/sortir-du-nucleaire-c-est-facile-13110013/

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