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BRAVONS L’ETAT D’URGENCE, RETROUVONS-NOUS LE 29 NOVEMBRE PLACE DE LA REPUBLIQUE..

vendredi 27 novembre 2015, par Puissance Plume

N’oublions jamais que le gouvernement de mai 1940 a laissé les pleins pouvoirs aux généraux, Philippe Pétain en tête, et que ceux-ci préfèreront toujours capituler plutôt que de voir la rue, le peuple se déchaîner contre la domination insupportable qu’ils exercent. Ne leur laissons pas l’occasion de faire un festin de nos vies comme ils l’ont fait en 1914.

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Bravons l’état d’urgence, retrouvons-nous le 29 novembre place de la République...

Paru chez Lundi Matin le 23 novembre 2015.

Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour comprendre que l’état d’urgence décrété pour trois mois n’allait pas se limiter à protéger la population française contre de nouveaux attentats.

Ce week-end, une grande partie de la ville de Sens (Yonne) a été soumise à un couvre-feu, sans rapport clair avec les attentats. C’est la perquisition d’un appartement – dont les locataires n’auraient finalement pas été inquiétés – qui a justifié cette punition collective. Parmi les 1072 perquisitions nocturnes diligentées hors de tout cadre judiciaire par les préfets, moins d’une sur dix a abouti à une garde-à-vue. À Nice, c’est une fillette de six ans qui a été blessée lors d’une opération de police : les policiers intervenus en pleine nuit avaient enfoncé la mauvaise porte. Dimanche en Loire-Atlantique, c’est une caravane de 200 vélos accompagnée de 5 tracteurs qui a été bloquée par les forces de l’ordre : il s’agissait de dissuader les cyclistes de rejoindre Paris pour la COP21.

Pendant ce temps, le gouvernement reprend sans scrupules des mesures promues hier encore par l’extrême droite. Les journaux nous l’assurent : les sondages confirment l’adhésion massive des Français à cet état d’exception sans precedent depuis cinquante ans.

C’est une victoire pour daesh que d’être parvenu, avec moins d’une dizaine d’hommes, à faire sombrer l’État dans ses pires réflexes réactionnaires. C’est une victoire pour daesh que d’avoir provoqué la mise sous tutelle sécuritaire de la population tout entière.
Le dimanche 29 novembre, une gigantesque manifestation était prévue dans les rues de Paris pour faire pression sur les gouvernants mondiaux, à qui personne ne faisait confiance pour trouver une solution au réchauffement climatique. Des centaines de milliers de personnes étaient attendues de toute l’Europe. Manuel Valls, certainement lucide sur le caractère dérisoire des accords qui sortiront de la COP21, craignait beaucoup cette manifestation ; il a donc decide de l’interdire. Le prétexte : la foule risquerait d’être la cible d’un attentat – M. Valls jouerait-il avec le feu en laissant les Français risquer leur vie en faisant leurs courses de Noël ? Les moyens : ceux qui voudraient manifester encourent 6 mois de prison. M. Valls va-t-il nous mettre en prison pour nous protéger des attentats ?

La proposition que nous faisons, nous savons que dans les circonstances actuelles nous aurons du mal à la faire entendre. Depuis dix jours, les écrans ressassent la gloire des “valeurs” françaises. Nous prenons cela au pied de la lettre. S’il existe quelque chose comme une valeur française, c’est d’avoir refusé depuis au moins deux siècles de laisser la rue à l’armée ou à la police. La mobilisation à l’occasion de la COP21 est un enjeu primordial et nous n’acceptons pas que le gouvernement manipule la peur pour nous interdire de manifester.

Dimanche 29 novembre, nous appelons à braver l’état d’urgence et à nous retrouver à 14h sur la place de la République.

Pierre Alféri, romancier, poète et essayiste
Ludivine Bantigny, historienne
Thierry Bourcy, romancier
François Cusset, professeur de civilisation américaine
Gérard Delteil, écrivain
Pascal Dessaint, écrivain
Joss Dray, auteure-photographe
Cedric Durand, Économiste
Caryl Ferey, écrivain
Jacques Fradin, Mathématicien, chercheur en économie
François Gèze, Éditeur
Christophe Granger, Historien
Naira Guénif, Sociologue
Eric Hazan, éditeur
Hugues Jallon, éditeur
La parisienne libérée, chanteuse
Jérome Leroy, romancier
Laurent Lévy, Essayiste
Frédéric Lordon, Directeur de recherche au CNRS
Seloua Luste Boulbina, Philosophe
Joelle Marelli, philosophe, écrivain, directrice de programme au Collège
international de philosophie.
Annie Ohayon, ingénieure
Alain Parrau, enseignant Paris 7
Willy Pelletier, sociologue
Serge Quadruppani, écrivain
Nathalie Quintane, Poétesse
Jean-Jacques Reboux, romancier, éditeur
Olivier Roueff, chercheur
Jean-jacques Rue, programmateur de cinéma et journaliste
Julien Salingue, Docteur en Science politique
Ivan Segré, Philosophe
Yannis Youlountas, écrivain, cinéaste


Appel à braver l’état d’urgence

Paru dans Marche sur la COP le 27 novembre 2015.

Je ne doutais plus que la civilisation comme on la nomme, ne fût une barbarie savante et je résolus de devenir un sauvage.


Anatole France, Jardin d’Épicure

« Plus tard, il sera trop tard #COP21 »

En matière de changement climatique, comme de menace terroriste, il semble que les gouvernements aient fait de la peur la mécanique intime de leurs mondes. En ces heures embrouillées, où la plus grande confusion règne quant aux parti pris et aux perspectives politiques qu’il est désirable de suivre, où la terreur est appliquée à tous les domaines de l’existence, de l’environnement à la fête, du chômage de masse à la circulation des personnes : un état de panique qui fait planer l’anéantissement de tout ce qui vit, sans autre voie de salut que de s’en remettre entièrement à ceux qui nous gouvernent. Il est grand temps d’affirmer que nous ne sommes pas terrorisés, et que nous n’avons pas besoin d’être sécurisés.

Le message schizophrénique qu’on ne cesse de nous rabâcher semble dire : « vous risquez de mourir à tout instant, restez calme : on va trouver une solution ».

Des quartiers mis sous couvre-feu sans lien avec les attentats du 13 novembre, les manifestations interdites, la fermeture des frontières face au flot de réfugiés qui viennent questionner le sens de nations à bout de souffle, une économie malade au chevet de laquelle ne cesse de se bousculer des médecins bornés et sûrs d’eux, l’imminence annoncée des catastrophes climatiques, environnementales et humaines. Gestion martiale du cours des choses, dont les remèdes finissent par être la seule maladie.

État d’urgence et nouvelles taxes carbones. Le malade, c’est nous : contrôlons-nous, sinon c’est la mort assurée, dès demain sous les balles terroristes, ou d’ici une cinquantaine d’années celle de toute la planète.

Au fond, pour les gouvernants un attentat ou une courbe de température ne sont rien de plus que des prétextes pour nous gouverner et stimuler l’économie : interdire les manifestations et encourager le shopping ; créer une police de l’environnement et industrialiser toute la forêt.

Il nous appartient de refuser l’interminable organisation du désastre, comme il nous appartient d’anéantir la quête de gloire et le désir de mort de certains de nos semblables. L’une et l’autre de ces architectures de notre temps sont au fond parfaitement homogènes.

La vie étant désormais le lieu même de la politique, il n’y a pas à s’étonner qu’elle soit la cible en tant que telle des États contemporains – quand bien même il s’agit d’États autoproclamés – mais si la vie est directement politique, alors plus que jamais continuer à vivre intensément, veut aussi dire vivre politiquement.

On voudrait nous faire croire aujourd’hui qu’il y a la guerre, celle du libéralisme occidentale contre le terrorisme islamiste. Une guerre dans laquelle la plupart d’entre nous aurons bien du mal à choisir un camp : une guerre d’États, de l’aveu du gouvernement français lui-même qui identifie l’ennemi par une fiche « S » pour « Sûreté de l’État ».

Et si ce sont nos corps qui sont touchés aujourd’hui, c’est bien parce que l’État et son armée se sont rendus intouchables, blindés dans des sommets surprotégés, envoyant des drones anéantir une « cible » et tout son quartier.

En réalité, nous sommes tous en guerre contre ce qui nous détruit. Il n’y a pas la guerre, il y a une multitude de guerres comme il y a une multitude de positions.

Nous ne sommes l’armée de personne, nous menons nos propres guerres pour construire les vies qui nous semblent désirables.

Durant la COP21, le gouvernement a annoncé que « pour des raisons de sécurité », seules les négociations entre dirigeants se tiendront, toutes les autres manifestations seront interdites. Nous refusons de remettre notre sécurité et notre avenir entre leurs mains.

Nous avons traversé en convoi des lieux où des personnes luttent concrètement contre le désastre environnementale, en cessant d’attendre qu’une décision extérieure viennent sauver leurs territoires. Nous ferons route vers Paris à la veille d’un sommet qui réunira des gouvernants du monde entier pour discuter d’aménagements économiques et de calculs environnementaux. Nous ne les laisserons pas être hégémonique, et décider de nos vies et de la texture de nos territoires, comme on joue au Monopoly.

Nous sommes en guerre contre la morbidité de notre époque et le nihilisme de notre génération, nous sommes en guerre contre le fondamentalisme religieux et la civilisation occidentale, dont l’opposition factice ne tient qu’au délai de leurs perspectives eschatologiques.

Douglas

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