ENVIRONNEMENTALISME ET ECOLOGISME
11 août 2011

Différencier environnementalisme et écologisme ne relève pas d'un exercice de style littéraire ni même de sémantique pure même s'il nous faut passer par l'étude des deux propositions théoriques.

Il s'agit surtout de bien prendre conscience des conséquences qu'entrainent ces deux façons de penser la crise écologique car cela conditionne notre action, tant dans le domaine social et politique que dans le monde naturel.

L'écologie étant à la mode depuis quelque temps déjà, nous ne pouvons nous fier ni aux bonnes déclarations d'intention ni aux belles appellations : un soi-disant écologiste peut cacher un véritable environnementaliste, en herbe. Le Prince Charles d'Angleterre, n'est pas le seul dans ce cas. La difficulté réside en ce que presque personne ne se réclame ouvertement de l'environnementalisme, tout le monde se déclarant écologiste, et ce sera à nous de déjouer le piège car, comme nous le verrons, l'un et l'autre sont en vérité, en franche opposition.


Le parcours de l'environnementalisme

L'environnementalisme, créé au début du XIXème, plutôt par les classes aisées avait pour but la préservation d'espaces naturels sous forme de parcs comme celui de Yellowstone, aux Etats-Unis. Face à la détérioration progressive de l'environnement et à son empoisonnement de toute sorte, ce mouvement s'est en quelque sorte “démocratisé”, popularisé, et a donné naissance à de nombreux groupes, fédérations, etc…, surtout à partir des années 60, après la parution du livre de Rachel Carson, “ Printemps Silencieux”. Actuellement, nous trouvons dans cette mouvance, un bric-à-brac d'organisations et de personnes pensant bien faire comme la FNE, les WWF, Greenpeace et des personnages douteux, comme le fameux Al Gore.


Ses finalités

L'environnement est “défendu”, non seulement par un secteur aimant la nature, mais aussi par des industriels, soucieux de faire durer les ressources naturelles pour leurs entreprises, sans doute même davantage que les “ressources humaines » ( ce qui en dit long…), tant ces dernières existent à profusion.

A la limite, pour les environnementalistes, pourquoi la santé de la planète, à l'image de celle des êtres humains, des animaux de profit et de compagnie ne serait pas affaire (business) de spécialistes, de médecins de l'environnement? De plus, étant donné la tâche colossale que cela suppose, (et pour tout dire un objectif inatteignable dans cette société), ne méritent-t-ils pas un “salaire” à la hauteur du défi? Les hommes d'affaire l'ont vite compris et suite à leurs exactions ils nous proposent une excellente et flambante médecine: le capitalisme vert avec sa cohorte de solutions miracles : voitures électriques, biocarburants, énergies renouvelables, parcs d'éoliennes et panneaux solaires en plus des centrales nucléaires, sans soucis des nécessités réelles ni de la justesse des emplacements, ni des motivations des gens qui peuplent les territoires.

Pour l'ensemble de cette mouvance, à quelques différences près, et quelle que soit la motivation de chacun, nous nous trouvons en présence d'une “mentalité “instrumentaliste” ou technique, dans laquelle la nature est conçue tout simplement comme un habitat passif, un agrégat d'objets externes et de forces qui doivent être rendus plus utiles pour l'usage humain, peu importe ce que sont ces usages. L'environnementalisme est simplement du génie de l'environnement.” (Murray Bookchin)

En tout cas les environnementalistes ne remettent pas en question la prémisse la plus basique de la société contemporaine: que l' humanité doive dominer la nature. Leur objectif n'est pas de trouver un équilibre permanent entre la nature et l'humanité mais bien de réduire au minimum les effets secondaires des activités humaines, “les dommages collatéraux” d'une guerre économique sans quartiers, entre entreprises rivales qui, du fait même de cette rivalité dans l'arène du marché mondialisé, ne font qu'accentuer toujours plus la croissance bicéphale production/consommation. Pari difficile s'il en est, du rafistolage à coup sûr et pour tout dire, la quadrature du cercle.

Évoquer, dans ce contexte structurel d'insatiabilité permanente, l'adoption ou le développement des énergies renouvelables, des modes de vie plus “simples” ou même la décroissance tient plus du canular que d'une recherche authentiquement écologiste.

Et les Verts de tous acabits, dans tout ça ?

Et ce n'est pas la floraison tous azimuts des candidatures écologistes destinées aux postes des structures politiques existantes qui va changer quoi que se soit au panorama. Bien au contraire, ces dernières ne font que légitimer un système utilitariste de domination et de gestion d'un capitalisme et d'une économie de marché qui est en phase d'en finir avec un monde naturel cohérent, un ensemble riche et complexe d'écosystèmes qui ont permis autrefois, grâce à l'élaboration d'une riche trame d'écosystèmes, après des milliers d'années d'évolution lente, l'émergence de l'être humain sur la planète terre.

En effet, l'écologie politique dans son expression courante et majoritaire actuelle pèche de la même insuffisance que le courant socialiste dominant, surtout depuis le début du XXème siècle, que ce soit dans sa version autoritaire ou libérale.

Les écologistes politiques actuels, tant ils font partie du jeu de la démocratie représentative, donc partisans des réformes qui ne font que distraire le public, seraient à classer plutôt parmi les environnementalistes puisqu'ils n'ont pas rompu, tout comme les socialistes, avec la pensée mère dominante, vis à vis de la nature et des êtres humains. Nous retrouvons chez les uns et les autres, tout comme chez les groupes environnementalistes, les mêmes positions ambigües, attirés qu'ils sont les uns et les autres à des degrés divers, par les gouvernements et les entreprises. Ainsi, ils finissent par légitimer des politiques désastreuses. On aura, par exemple, sauvé une ou deux espèces en voie de disparition en échange du silence, voire même de la légitimation de la destruction d'une forêt primaire entière en Tasmanie. (Voir Fabrice Nicolino, « Ils ont tué l'écologie »)

Comment pourrait-il en être autrement puisque ces courants sont rattachés à des dogmes et des structures de domination de l'homme sur l'homme, de ce dernier sur la femme et sur la nature et qui sont à l'origine de la crise sociale et écologique. Ils ont la même sorte d'aveuglement et représentent des moments sclérosés du mouvement social d'émancipation et de bien vivre. Ils sont destinés à faire perdurer et à renforcer la maitrise sur la nature, mais aussi sur l'opinion publique.


Vers un écologisme cohérent et conséquent

Pour cela, il nous faut arrêter de réfléchir avec les modes habituels de pensées, hérités de longue date et qui sont à l'origine de la problématique qui se pose à nous.

A cet environnementalisme qui cherche à trouver des palliatifs techniques ou administratifs dans tous les domaines des activités humaines, pour diminuer les problèmes insolubles engendrés par un système de domination, il faut opposer un écologisme radical, capable d'aller aux sources du mal, un écologisme conséquent, doté d'une vision holistique de la problématique qui se pose à l'humanité comme un défi par rapport à sa propre raison d'exister en tant qu'espèce.

De plus, comme bien d'autre paroles mais certainement davantage encore, le terme écologie reste à redéfinir. Etant très galvaudé, il risque de nous trahir, de rester suspendu , sans racine, sans contexte ni texture. Le plus souvent utilisé comme mot passe-partout, métaphore, ou réclame, il perd sa puissante logique, potentiellement stimulante.
L'écologie ne se doit pas seulement d'apporter une critique de la séparation entre humanité et nature mais elle a également pour but ultime, la nécessité de la combler.
La meilleure définition originelle connue comme “écologie”, fut donnée à l'origine par Ernst Haeckel au XIXème siècle pour définir la recherche des interrelations entre animaux, plantes et leur environnement inorganique.
L'espèce humaine étant une espèce animale ayant secrété naturellement une structure sociale, l'écologie se doit d'étudier la nature de cette dernière et de son interaction avec son environnement naturel. Dans ce contexte, traiter la crise environnementale sans traiter la crise sociale au prime abord signifie tout simplement avancer dans l'obscurité propre à la cécité.
Une étude approfondie des écosystèmes nous montre leur caractère fondamentalement non hiérarchique, du point de vue de la domination. Les écosystèmes se caractérisent plutôt et essentiellement par une grande diversité de caractères hautement complémentaires, par une étroite union circulaire de relacions plantes-animaux, allant des micro-organismes jusqu'aux grands mammifères, davantage que par une pyramide stratifiée avec l'être humain au sommet.
Dans le contexte mondial extrêmement complexe d'exploitation de la nature et des hommes, il nous faut tout faire pour insérer le caractère non-hiérarchique des écosystèmes naturels dans les institutions des sociétés humaines afin d'harmoniser cette interdépendance. Faute de quoi, nous continuerons dans la débâcle autant sociale qu'environnementale, puisque l'environnement ne sert actuellement que de réservoir fragile àà une société qui s'en sert essentiellement pour maintenir les privilèges, donc les structures de domination qui la constituent, l'enferment et la sclérosent.


Les travaux de Murray Bookchin (1921-2006) constituent une des meilleures approches pour capter l'interaction entre le genre humain et la nature insistant sur le fait que la crise écologique et la crise sociale ne sont pas deux choses distinctes mais qu'elles sont toutes deux le même produit d 'une évolution historique des structures de domination et de rivalités dont le capitalisme et l'économie de marché, par leur caractère mondial et l'efficience technologique, n'en sont que l'expression la plus exacerbée de toute notre histoire.

Reprendre ses recherches en même temps que le fil de cette tradition d'émancipation qui parcourt les siècles pour rejoindre les thèses de l'écologie sociale, en ébauche dès les débuts du XIXème siècle, est devenu aujourd'hui une nécessité impérieuse. Ce cheminement nous permet de nous doter, d'une part, d'un outil indispensable pour ne pas nous laisser charmer ou même distraire par les sirènes d'un système tout entier structuré pour maintenir coûte que coûte, sa hiérarchie de domination. D'autre part, tenir compte de l'histoire, donc des expériences passées, nous permet d'avancer des propositions constructrices solides échappant aux logiques instrumentalistes propres aux systèmes politiques manipulateurs, le summum ayant été atteint par celui qui domine actuellement la planète.





Agir écolo et pas environnementaliste, n'est pas tâche facile

Ce n'est pas suffisant de lutter contre l'énergie nucléaire, ce qui reste cependant d'une vitale et primordiale nécessité.
Agir écolo, ce n'est pas réclamer à corps et à cris la mise en place d'énergies renouvelables dans le contexte social actuel, et encore moins voter pour Les Verts, Europe Écologie, un candidat pour la Décroissance ou même Stéphane Lhomme.
Comme nous l'avons vu auparavant, et malgré toutes les bonnes intentions, en rester à changer notre style de vie, n'aura pas plus d'effet sur le changement de cap de la société actuelle. Même si par la simplicité volontaire, rouler en vélo ou même vivre dans un éco-village, nous donne une sensation de cohérence, ne touchant pas aux structures, nous ne feront pas trembler les pouvoirs et les intérêt en place. Il se pourrait même qu'ils s'en servent pour faire croire qu'en « démocratie », pays de liberté, chacun peut vivre comme il l'entend, selon ses propres idées.



Il s'agirait plutôt, comme en 68, « d' être réalistes, et de faire l'impossible » faute de quoi nous nous retrouverons devant « l' inconcevable » auquel nous conduisent à grands pas les environnementalistes, certains de bonne foi et par simple ignorance.
Il nous faut absolument commencer par le bas de l'édifice social pour le régénérer. Stimuler le social. Proposer des formes politiques de démocratie directe, face à face, avec un Communalisme qui peu à peu, en constituant de nouvelles relations, hors hiérarchie de domination, permettra un partage équitable du pouvoir en même temps qu'il fera reculer le capitalisme avec l'abolition des privilèges et l'expropriation des moyens de production actuellement aux mains des nantis qui produisent de tout et n'importe quoi et n'importe comment. Il s'agit, pour les citoyennes et citoyens de retrouver toute une méthodologie et la sensibilité du partage, de moyens d'échanges basés sur la réciprocité, etc.., afin de récupérer peu à peu la maîtrise de nos réelles nécessités, de l'origine et de la destination de nos productions avec des moyens décentralisés, l'autogestion, la coopération et l'absence de hiérarchies de domination.
Seulement ainsi, en agissant dans un cadre de fonctionnement ayant le plus d'analogie possible avec le fonctionnement naturel des écosystèmes, nous avancerons vers une société en harmonie avec elle-même et avec la nature.
Ré-enchanter l'humanité, de nos jours, est devenu une priorité écolo et sa capacité destructrice n'est que l'image renversée de sa capacité de reconstruction.




Floréal expliquant la figue de barbarie



Floréal M. Romero



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